Quelles sont les différentes étapes de fabrication d’un médicament ? C’est à cette question que répond la Drugbox, imaginée par le Centre d’études et de recherche sur le médicament de Normandie. Ce dispositif de médiation scientifique est lauréat du prix Musée Schlumberger 2022.
Illustrer la recherche menée au CERMN
De la découverte d’une molécule à sa mise sur le marché, le parcours du médicament est long, coûteux et complexe. Le CERMN se concentre sur les toutes premières étapes de ce parcours : rechercher, fabriquer et développer de nouvelles molécules qui entreront, par la suite, dans la composition de nouveaux médicaments. Le laboratoire participe aujourd’hui à une douzaine de programmes dans les domaines de la cancérologie et des maladies neurodégénératives. « C’est difficile pour nous de faire comprendre pourquoi il n’existe, à l’heure actuelle, aucun traitement empêchant la progression de la maladie d’Alzheimer ou de la maladie de Parkinson, » souligne Johanna Giovannini, post-doctorante au CERMN. « La Drugbox va nous aider à expliquer notre métier de chercheur, tel qu’on le vit au quotidien. » Ce projet a séduit le jury du Prix Musée Schlumberger 2022 : les lauréats bénéficient désormais de 10 000€ attribués par la Fondation Musée Schlumberger pour donner vie à ce dispositif, qui sera présenté lors de visites de laboratoire ou d’événements de culture scientifique.
Une mission : concevoir un nouveau médicament
La Drugbox proposera trois ateliers illustrant, successivement, différentes étapes de conception d’un médicament. « Les participants se verront tout d’abord remettre une « fiche mission » qui rassemblera, à la manière d’une véritable étude bibliographique, les informations utiles à la compréhension d’une maladie, poursuit Johanna Giovannini. Cette fiche mission amènera les participants à s’interroger sur les données à connaître pour accomplir au mieux leur mission : quel est le mécanisme de la maladie ? quel élément de l’organisme le médicament doit-il cibler ? quelle est le meilleur moyen d’atteindre cette cible ? Plusieurs niveaux de difficulté seront disponibles, en fonction de la maladie à soigner. « La recherche nécessite des moyens humains et matériels considérables. Les programmes de recherche sur les maladies rares sont peu nombreux, car il existe peu de sources de financements disponibles. La recherche avance plus vite lorsque de nombreux laboratoires à travers le monde travaillent et génèrent beaucoup de données sur une même maladie. » Pour illustrer ces contraintes, les participants auront un nombre limité d’essais pour accomplir les différentes tâches proposées au sein de l’atelier. Mais pas de panique ! La fiche mission guidera les participants à chaque étape.
3 métiers, 3 étapes de recherche
Première étape : la chémoinformatique. « Lorsqu’un chercheur obtient des informations sur une molécule, il va les répertorier dans des bases de données publiques », précise Damien Geslin, doctorant au CERMN. « Le travail du chémoinformaticien consiste à fouiller ces bases de données à l’aide d’outils statistiques pour déterminer, sur la base des connaissances actuelles, les molécules les plus adaptées à la cible visée. » Le chémoinformaticien, grâce à ses prédictions, oriente le travail des chimistes. La Drugbox proposera aux participants de découvrir cette discipline, à l’interface entre chimie et informatique, au travers d’une application numérique. Au terme de ce premier atelier, les participants disposeront du portrait-robot de leur molécule. « Les participants vont ensuite passer de l’ordinateur à la paillasse ! » souligne Marc Ragui, doctorant au CERMN. En conditions sécurisées, munis d’une blouse et de lunettes de protection, les participants seront invités à synthétiser les molécules conçues virtuellement puis à les tester — des pièces 3D assemblables illustreront cette recherche en chimie et en biologie. « Au laboratoire, nous menons des tests in vitro pour vérifier l’action d’une molécule sur sa cible. La molécule est mise en interaction avec des protéines dans des tubes à essai : le liquide change de couleur si l’interaction est effective. Dans la Drugbox, une lumière verte s’allumera si le puzzle s’imbrique parfaitement dans un modèle 3D. » La dernière étape consiste à transformer cette molécule en médicament : les participants enfileront la blouse du pharmacien-galéniste pour choisir la forme finale du médicament. Gélule, comprimé, sirop, suppositoire ou seringue pré-remplie… L’enjeu est de faire en sorte que la molécule atteigne sa cible. « Dans le cas d’une maladie neurodégénérative, le traitement doit cibler le cerveau — ce qui nécessite un cheminement complexe dans le corps humain. L’estomac est un milieu très acide : il faut s’assurer que la molécule ne soit pas détruite une fois avalée. Les galénistes ajoutent donc des excipients pour protéger la molécule, pour stabiliser le médicament, mais aussi pour améliorer le goût. » Les contraintes sont nombreuses ! Les comprimés et les gélules sont inadaptés pour les jeunes enfants — or certaines molécules n’existent qu’à l’état solide et ne peuvent pas être transformés en sirop. Les solutions injectables par seringue atteignent plus facilement la cible car elles sont directement administrées dans le sang — mais cette solution n’est possible qu’à l’hôpital ou avec l’intervention d’une infirmière à domicile. « La Drugbox invitera les participants à réfléchir à toutes ces considérations essentielles, » souligne Johanna Giovannini. Ces premières étapes de préparation du médicament, illustrées par la Drugbox, constituent le cœur de l’activité scientifique du CERMN. Le développement du médicament se poursuivra ensuite avec des essais pré-cliniques et des essais cliniques, indispensables pour obtenir une autorisation de mise sur le marché. Un travail de longue haleine !
La Drugbox est un projet imaginé par Damien Geslin, Johanna Giovannini, Jean-Pierre Jourdan, Marc Ragui et Chloé Rémondin, membres du Centre d’études et de recherche sur le médicament de Normandie (CERMN · UR 4258).
À propos du Concours Têtes chercheuses
Le concours Têtes chercheuses a été lancé en 2010 par Le Dôme, avec le soutien de la Fondation Musée Schlumberger. Ce concours encourage les démarches innovantes en matière de médiation scientifique en décernant chaque année le Prix Musée Schlumberger à une équipe lauréate, sélectionnée par un jury de professionnels. Doté de 10 000 euros, ce prix facilite la réalisation d’un dispositif illustrant et explicitant des méthodes, des outils, des innovations ou des techniques de toute discipline scientifique. Retrouvez les lauréats des précédentes éditions
En 2022, l’université de Caen Normandie s’associe à la co-production du concours Têtes chercheuses, avec la remise d’un nouveau prix, le prix UNICAEN Science-Société, remporté par Frédéric Naudon (CERREV).